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Conseils santé - Douleurs chroniques

Conseils santé n°5 : les douleurs chroniques

Je vous propose d’évoquer le sujet de la douleur chronique et l’intérêt de la Thérapie Comportementale et Cognitive (TCC) et de l’ergonomie dans sa prévention et sa prise en charge.

Peut-être avez-vous déjà connu un état de douleur aigüe intense : une brûlure, une fracture liée à une chute, une migraine, une dent mal soignée ? 
Peut-être encore souffrez vous d’une maladie clairement identifiée qui provoque des douleurs régulières : un Trouble MusculoSquelettique (TMS), une maladie auto-immune telle que la polyarthrite rhumatoïde ou la fibromyalgie ? Peut-être enfin souffrez de douleurs chroniques « sans raison apparente » parfois nommées douleurs psychosomatiques par les professionnels de santé : des douleurs pelviennes, des douleurs articulaires diffuses et intermittentes, des sensations douloureuses aux articulations, des sifflements intenses dans les oreilles…

En cas d’apparition de douleurs, des examens médicaux approfondis sont nécessaires pour comprendre les mécanismes liés à leur déclenchement. En parler à son médecin généraliste rapidement est important pour éviter des complications biomécaniques (une entorse mal soignée qui va modifier la posture et provoquer des douleurs aux genoux puis à la hanche par exemple) et tout simplement pour gagner en vitesse de prise en charge : par exemple le recours à l’imagerie est parfois long et pourtant essentiel pour confirmer ou exclure certaines pistes diagnostiques. Bien que votre médecin puisse vous prescrire des médicaments pour atténuer les sensations de douleurs, ces examens sont vitaux pour mieux comprendre l’origine de la douleur. 

Qu’est-ce que la douleur chronique ?

La douleur chronique est une pathologie qui touche plus de 12 millions de Français et se définit comme une douleur persistante ou se reproduisant pendant plus de 3 mois (selon L’IASP International Association for the Study of Pain task force). 

Si la douleur aiguë persiste au-delà de trois mois, elle évolue en douleur chronique. Entrent dans cette catégorie certaines douleurs musculaires, articulaires, les migraines ou encore des douleurs associées à des lésions nerveuses. Ainsi, on les classe selon leurs mécanismes physiopathologiques : 
•    Les douleurs inflammatoires sont associées à des phénomènes d’inflammation qui perdurent anormalement. Il peut s’agir par exemple de douleurs articulaires. L’activation chronique des fibres de la douleur entraîne leur sensibilisation qui se généralise ensuite à tout le système de la douleur. Aussi, même en traitant la cause en périphérie, le système peut rester hyper réactif.
•    Les douleurs neuropathiques sont liées à des atteintes du système nerveux central ou périphérique (lésions de nerfs, blessure...), de la moelle épinière. Elles peuvent également être liées aux amputations ou à un accident vasculaire cérébral (AVC). Ces lésions concernent directement le système de détection de la douleur : elles rendent le système d’alarme défaillant et incontrôlable par les antalgiques classiques.
•    Les douleurs mixtes qui associent une composante inflammatoire et une composante neuropathique, comme dans les lombosciatiques. Ces douleurs sont souvent rencontrées dans le cadre de cancers ou après une chirurgie.
•    Les douleurs nociplastiques définies plus récemment, sont liées à des altérations de la nociception (c’est-à-dire du système de détection de la douleur) dans lesquelles aucune lésion n’est retrouvée. Elles pourraient reposer sur une modification des systèmes de contrôle et de modulation de la douleur. On les rencontre notamment chez des patients atteints de fibromyalgie, de troubles fonctionnels intestinaux ou dans certaines céphalées chroniques.

Les effets de la douleur chronique peuvent être nombreux : le manque de sommeil, la fatigue, la perte du goût pour certains aliments, la diminution de la libido, la constipation, la baisse de la mobilité, des difficultés pour réaliser les activités de la vie quotidienne (courses, tâches ménagères, jeux avec les enfants, sport), l’isolement social etc.
Au travail, la douleur chronique peut-être très mal vécue par les personnes qui en souffrent : dissimulation de la douleur aux collègues, prise de risque posturale pouvant accentuer la douleur, baisse de la performance au travail, absentéisme répété, honte/gêne associées à la baisse de performance et/ou à l’absentéisme, isolement professionnel etc.
L’entourage peut également souffrir d’entendre la personne évoquer sa douleur sans savoir quoi faire pour l’aider ou encore souffrir des conséquences que la douleur peut avoir sur la possibilité de réaliser des activités habituelles avec la personne douloureuse.

La douleur : physique ou psychologique ?

Le ressenti de la douleur est un phénomène très subjectif. Il peut être extrêmement différent selon les individus, mais aussi chez une même personne. En effet, il existe en un lien étroit entre la douleur et le contexte psychosocial. La perception de la douleur peut ainsi évoluer en fonction du contexte affectif, social, religieux, relationnel etc. Chaque contexte génère des réactions physiologiques et émotionnelles différentes. Or, l’imagerie cérébrale montre que les centres cérébraux responsables de la perception de la douleur sont liés aux centres des émotions. 
De plus, il existe dans le cerveau et la moelle un puissant système de contrôle de la douleur qui fait notamment intervenir des endorphines et régule le transfert des informations douloureuses en provenance du système nerveux périphérique. Ce système peut être maîtrisé par apprentissage, comme le font typiquement les sportifs de haut niveau qui continuent à jouer malgré leur blessure ou le fakir capable de dormir sur une planche à clous. Il peut aussi être activé par des situations psychologiques favorables ou intervenir, par exemple, dans un effet placebo. 

On comprend mieux en quoi le « psychologique » peut avoir un rôle protecteur dans le processus de la douleur.

Pour autant, les facteurs psychologiques n’ont pas toujours des effets bénéfiques. 
En effet à contrario, les facteurs psychologiques peuvent amplifier une douleur persistante. 
Par exemple, une douleur chronique peut sembler d’un point de vue médical, disproportionnée par rapport aux causes anatomiques identifiées. Cet état de fait est souvent très difficile à vivre pour le patient douloureux. Parfois, par gêne, il n’ose pas exprimer l’intensité « réellement perçue » de sa douleur. Le diagnostic s’en trouve parfois faussé et la prise en charge est sous-dimensionnée par-rapport au besoin. La douleur mal prise en charge peut s’amplifier.
Autre exemple d’effets négatifs des facteurs psychologiques : l’anxiété peut apparaître chez le patient douloureux. Elle peut prendre différentes formes : la peur d’avoir mal – autrement appelée « algophobie », la peur du regard des autres, l’angoisse de ne pas réussir telle tâche au travail etc. Enfin, le manque de soutien des patients de leur entourage personnel et/ou professionnel est également un facteur psychosocial aggravant de la douleur chronique.

De même, il s’avère également que la douleur peut aggraver certains troubles psychologiques déjà existants préalablement, comme la dépression par exemple. La douleur chronique peut accentuer les besoins en neurotransmetteurs tels que la sérotonine ou encore la dopamine. Ces 2 substances jouent un rôle central pour soutenir l’humeur et déclencher les mécanismes liés à la motivation. Lorsqu’une personne souffre de douleur persistante alors qu’elle est également en période de dépression, les besoins en sérotonine et en dopamine sont plus élevés, en particulier lorsque la douleur apparaît. La chronicité de la douleur peut avoir tendance à épuiser plus rapidement le niveau des neuromédiateurs disponibles. 

En conclusion, il est parfois difficile pour les patients de s’y retrouver : les facteurs psychologiques sont-ils la cause de la douleur chronique ou bien en sont-ils les effets ?
Bien qu’en première intention, la fonction « physique » est essentielle à prendre en charge, un examen psychologique approfondi est à envisager si l’on suspecte, comme cause ou conséquence, un trouble psychologique concomitant (dépression et/ou anxiété). En effet, si les facteurs psychologiques ne sont pas traités, il est peu probable que les symptômes physiques s’améliorent.

Le rôle de la Thérapie Comportementale et Cognitive (TCC) 

La prise en charge de la douleur chronique est multimodale : 
-    Médicamenteuse : antalgiques, antiinflammatoire, antidépresseurs…
-    Physique : kinésithérapie, ergothérapie, stimulation médullaire…
-    Médecine alternative : acupuncture, méditation, yoga, tai-chi…
-    Thérapie psychologique et comportementale. 

La Thérapie Comportementale et Cognitive est particulièrement adaptée à la prise en charge psychologique et comportementale des douleurs chroniques. Actuellement la plupart des programmes des centres anti-douleur en France s’inspirent des méthodes issues des TCC. 
En effet, les TCC peut améliorer l’état fonctionnel du patient sans forcément réduire la douleur à proprement parlé. Différentes approches sont utilisées : suivi collaboratif des activités, technique de relaxation, détournement de l’attention, techniques comportementales, gestion des émotions, techniques cognitives etc. 
La TCC apporte au patient la possibilité de mieux analyser le ou les mécanismes douloureux à l’œuvre et peut lui permettre de mieux agir dessus. Le patient gagne ainsi en autonomie. 
Rappelez vous les fakirs et la gestion de la douleur sur la planche de clous. Rassurez vous, l’idée n’est pas de devenir fakir avec la TCC cependant cette thérapie peut contribuer à l’apprentissage d’une meilleure modulation de la douleur chez le patient grâce à des techniques spécifiques. 
Enfin, la prise en charge de la douleur chronique peut nécessiter de profondes modifications dans le mode de vie du patient : changement des activités de loisirs, aménagement de la maison, un reclassement professionnel non souhaité, l’impossibilité de voyager comme avant etc. Ces changements sont parfois difficiles à accepter pour le patient, et par la suite à mettre en œuvre. La TCC s’inscrit également dans cet accompagnement spécifique au changement. 

Par ailleurs, une autre discipline peut aider le patient à mieux vivre sa douleur chronique et à gérer ces changements : l’ergonomie.

Le rôle de l’ergonomie 

L’ergonomie est très largement associée uniquement au monde du travail. En effet, le mot « ergonomie » est issu du grec, ergon (le travail), et nomos (la loi). L’ergonomie est la discipline scientifique qui consiste à étudier l’activité humaine dans tous ses aspects, dont le travail. L’ergonome intervient dans différentes « organisations » : les entreprises mais également les associations, les institutions scolaires, les organisations hospitalières, militaires etc.
Autrement dit, l'ergonome conçoit et améliore des lieux de vie, des objets ou des postes de travail afin de les adapter au maximum aux besoins des utilisateurs, en termes de confort, sécurité et efficacité. En outre, l’ergonome intervient dans nombreux domaines : relations industrielles, design, ingénierie, kinésiologie, même de l’ergothérapie !

Quel que soit le type d’organisation ou de champs, il s’agira pour un(e) ergonome d’étudier les interactions entre l’individu et chaque composante de son système d’activité (conditions matérielles, organisationnelles, humaines, numériques etc.) afin de trouver la situation d’activité la plus confortable, sécurisante et performante pour l’individu et l’organisation au sein de laquelle il évolue. 

Autrement dit, l’ergonome peut aussi intervenir dans d’autres domaines en dehors des murs de l’entreprise, pour aménager les lieux de vie tel que les espaces de travail à domicile mais également les écoles, les espaces publics etc.

En tant que psychologue du travail ergonome, j’observe que les professionnels, bien que de plus en plus attentifs à leurs gestes et postures sur leur lieu de travail, le sont beaucoup moins lorsqu’ils sont en situation de télétravail, à leur domicile. Pourtant, être attentif à ses gestes et postures au travail et en dehors de l’entreprise, est primordiale ! 

Un ergonome peut vous y aider : 
-    En adaptant vos espaces professionnels à domicile tant sur le plan de l’ergonomie physique, organisationnelle et cognitive.
-    En vous aidant dans votre organisation professionnelle à domicile.

En cas de douleurs chroniques, l’ergonome va rechercher les facteurs de maintien et/ou d’aggravation de la douleur en observant et en analysant les situations réelles d’activités et en proposant des adaptations au plus près des besoins de la personne concernée. Les méthodes employées sont les mêmes quel que soit l’organisation, bien que des adaptations sont parfois utiles en fonction du lieu et/ou des personnes. Une formation en cycle supérieur est requise pour exercer le métier d’ergonome (le titre d’ergonome est en effet protégé).

Et pour la maison, l’ergonome peut-il intervenir pour adapter l’espace, l’organisation dans le cadre de ma vie quotidienne ? Bien que l’ergonome dispose le plus souvent de connaissance en ergothérapie, le spécialiste des réadaptations des tâches en milieu de vie, comme par exemple à la maison, est l’ergothérapeute. Son objectif est de garantir l’autonomie du patient et sa bonne santé dans les activités du quotidien.

Si l’ergonome peut adapter des postes en milieu professionnel pour des salariés en situation de douleurs chroniques par exemple après un accident du travail, il peut également conseiller des adaptations en milieu scolaire, à la fois pour les enseignants mais également pour les enfants souffrants par exemple, de douleurs chroniques invalidantes. En effet, l’ergonome peut proposer ses services à tout type de patient comme par exemple les adultes actifs, non actifs mais également les femmes enceintes ou des personnes en situation de handicap.

Enfin, l’ergonomie peut s’adapter à des situations de prévention d’apparition de la douleur, c’est-à-dire AVANT que la douleur chronique ne s’installe durablement. Dans ce cadre, l’ergonome anticipe l’usure physique (du corps) ou cognitive (les effets de la charge mentale sur les capacités cognitives par exemple) afin d’éviter d’agir en curatif, c’est-à-dire lorsque la douleur chronique est installée. Son activité est semblable à celle décrite précédemment avec des actions de prévention pure et des programmes spécifiques pour éviter les situations accidentogènes ou considérées à risque sur le plan musculosquelettique ou psychologique. Dans ce cadre précis de prévention, l’ergonome à un rôle de prévention des risques professionnels, qu’ils soient physiques ou psychologiques. 

En conclusion, pour mieux prévenir et prendre en charge les douleurs chroniques, voici les principaux points à retenir : 
1.    L’ergonomie est une discipline qui peut être utile pour prévenir les douleurs dans le milieu professionnel mais pas que : elle a toute sa place au domicile sur les postes de télétravail, dans le milieu scolaire, militaire, dans l’espace publique etc. 
2.    Elle peut également permettre d’agir contre les douleurs chroniques déjà installées, via des adaptations de l’espace, de l’organisation et des interactions hommes machines (outils numériques etc.) réalisées au plus près du besoin du patient et de son environnement social.
3.    La Thérapie Comportementale et Cognitive quant à elle est adaptée à la prise en charge de la douleur chronique par ses atouts en termes d’apprentissages nouveaux sur le plan psychologique, cognitif et comportemental.
4.    Collaborative, cette thérapie permet au patient d’accéder à une meilleure compréhension de sa douleur et de mettre en œuvre des stratégies adaptées au plus près de ses besoins.
5.    L’ergonomie et la TCC s’adaptent à tous types de personnes (enfants, personnes âgées, adulte, personne en situation de handicap, les femmes enceintes etc.)
6.    Enfin, TCC et ergonomie peuvent se combiner et permettre aux patients de bénéficier à la fois d’un accompagnement thérapeutique sur la gestion de la douleur à proprement parlé - grâce à la TCC - tout en étant conseillé sur une meilleure appréhension de ses gestes et postures, de son espace et de l’organisation de ses tâches - grâce à l’ergonomie.

Pour ma part, je suis psychologue ergonome et j’ai choisi de me spécialiser en TCC pour accompagner mes patients en cabinet. Au-delà de leurs richesses, ces disciplines sont complémentaires et me permettent d’agir sur différents leviers auprès des patients ainsi qu’auprès des organisations au sein desquelles j’interviens.

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